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Une Catalogne indépendante renforcerait l’Europe
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« Si l’Europe continue de refuser tout rôle de médiateur et que l’escalade se poursuit, le reste de l’Europe va devoir se préparer à accorder l’asile politique aux responsables politiques catalans », estiment l’eurodéputé Sander Loones et le président de Jong N-VA Tomas Roggeman.
Deux mois pour négocier. Telle est la proposition du premier ministre catalan Puigdemont. Réponse de son homologue espagnol Rajoy : la Catalogne a trois jours, jusqu’à jeudi, pour se mettre au pas de Madrid. Il est de plus en plus clair que ni l’Espagne ni l’Union européenne n’ont la moindre idée de la position à adopter en matière de régionalisme et de volonté d’indépendance démocratique.
Il existe des règles concernant l’extension de l’Union européenne, pour certains même jusqu’à la Turquie. Il en existe aussi pour ceux qui souhaitent la quitter, les Britanniques par exemple. Mais qu’en est-il de la volonté de former son propre État ? La Commission européenne préfère autoriser le recours à la violence contre des citoyens plutôt que d’admettre que cette demande puisse être légitime.
Lors du référendum écossais sur l’indépendance, les plus fervents européistes étaient montés au front pour effrayer les Écossais. Ils ne pourraient soi-disant en aucun cas rester membres de l’UE. Mais lorsque les Britanniques ont ensuite décidé du Brexit, ce sont les mêmes personnes qui ont été les premières à appeler l’Écosse à se maintenir dans l’UE. Serait-ce une tactique politique ? C'est surtout de l’hypocrisie.
Et cette situation est symptomatique d'un problème bien plus profond : l’UE ne parvient pas à adopter une attitude adulte vis-à-vis du régionalisme au sein de ses frontières. La volonté d'indépendance de nations sans État est propre au continent européen. Le nombre de pays indépendants en Europe a doublé en cent ans. Sur les 28 États membres de l’UE, sept n’existaient même pas en 1990.
Aucune frontière nationale n'est éternelle. Dans l’Europe du 21e siècle, il est normal de ne pas se battre, mais de voter pour de telles modifications de frontières. Car le vote des citoyens aujourd’hui vaut plus que le hasard historique de guerres qui remontent parfois à plusieurs siècles. La lutte démocratique et pacifique pour l’indépendance est donc tout à fait acceptable. Même si cela donne lieu à des rapports moins unis vis-à-vis du pays. Chaque peuple a droit à l’autodétermination. C'est cela aussi la démocratie.
Une évidence
Cette évidence semble difficile à accepter pour l’ordre établi européen. La ligne Verhofstadt, qui considère la volonté démocratique d’autodétermination comme une chose du passé, refuse par principe les questions d'indépendance et renvoie tous les drapeaux à la poubelle, sauf s'il y a des étoiles jaunes dessus bien évidemment. Une meilleure piste serait de reconnaître que la coopération européenne ne pourrait être que renforcée par une concurrence plus flexible entre des villes et des régions de plus en plus influentes. Le progrès ne vient pas d’une unité imposée mais de l’addition des différences.
Embrasser cette différence commence par accepter qu’il existe aussi des minorités nationales et des peuples sans État en Europe. Et que leur volonté d’autodétermination et d’influence plus directe au sein de l’UE est légitime.
Il est surprenant de constater que le mouvement nationaliste catalan soit à tel point condamné alors que le nationalisme espagnol bien plus militant peut lui s’exprimer. La répression policière, le camp Rajoy qui soutient ouvertement la violence, le déplacement de matériel militaire en direction de la Catalogne et les manifestations de partis minoritaires franquistes et fascistes sont des signaux alarmants d'un nationalisme d’État à la dérive.
L’unionisme peut présenter des arguments rationnels, mais la sentimentalité violente avec laquelle le Parti populaire défend et glorifie l’unité de l’État espagnol – ‘Una, Grande y Libre’ dans les cercles d’extrême-droite, ‘une, grande et libre’ – ne laisse guère de place à la raison.
C'est pourquoi nous appelons à la médiation européenne ou internationale. Pas pour prendre les deux parties par la main et leur imposer chaque détail de leur nouvelle relation, mais pour s’assurer que la violence soit rejetée et qu’elles se mettent à la table des négociations sur un pied d’égalité. Si l’Europe continue de refuser tout rôle de médiateur et que l’escalade se poursuit, le reste de l’Europe va devoir se préparer à accorder l’asile politique aux responsables politiques catalans. La Flandre et la Belgique en premier lieu.
Véritable place
Indépendamment de l’actualité catalane, il est grand temps que l’Union européenne et ses États membres trouvent un accord sur la place à accorder au régionalisme. La représentation des nations sans État au sein du Comité européen des régions est une blague. Elles méritent une véritable place à la table des décisions européenne. La doctrine de l’ancien chef de l’UE Barroso, qui prétend que les États membres séparatistes se placent automatiquement en dehors de l’UE, même dans le cas d’un scénario à l’écossaise où le pays donne son aval, n'est pas justifiée. Pour les régions qui ont déjà mis en œuvre l’acquis Communautaire Qualifie tout ce qui a trait aux rapports entres les régions et les communautés. Ces rapports sont réglés par une législation linguistique détaillée datant de 1966 et les six réformes de l’État, de 1970 à ce jour. Il n’est toutefois pas uniquement question de conflits de nature culturelle et linguistique mais également de visions diamétralement opposées concernant la politique socio-économique, la migration, la justice, etc. Un déficit démocratique s’est créé avec deux opinions publiques scindées. communautaire depuis des décennies, des pistes rapides vers l’adhésion doivent être trouvées. Il est incroyable que certains rêvent de la Turquie en tant que prochain État membre de l’UE. La Catalogne ne serait-elle pas un peu plus logique ?