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Les communes bruxelloises en quête d’argent : « Une nouvelle facture pèse sur la classe moyenne »

Les communes bruxelloises souhaitent permettre l’application de centimes additionnels communaux au précompte immobilier différenciés. Bruxelles Fiscalité, qui a examiné la faisabilité technique de cette proposition, soulève toutefois de nombreuses préoccupations et difficultés et craint que les communes ne s’en servent pour faire face à leur situation budgétaire de plus en plus difficile. Le Gouvernement bruxellois prépare malgré tout un projet d’ordonnance en ce sens. « Les communes vont abuser de ce système, et ce sont la classe moyenne et les entreprises bruxelloises qui en feront les frais et devront payer pour la mauvaise gestion financière des communes. L’exode urbain va malheureusement s’aggraver », met en garde Mathias Vanden Borre, député bruxellois N-VA.
Depuis 2019, les communes flamandes ont la possibilité de différencier les centimes additionnels communaux au précompte immobilier afin de contribuer à la renaissance d’un quartier de gare, d’encourager la population à venir vivre en centre-ville ou d’aider des indépendants à ouvrir un commerce, par exemple. « Il ne s’agit donc pas de différencier sur la base de paramètres socio-économiques. C’est pourtant ce que souhaitent faire les communes bruxelloises », explique Vanden Borre.
D’après une note issue de la réunion de la Conférence des Bourgmestres avec le ministre compétent Bernard Clerfayt (DéFI) l’année dernière, les communes envisagent d’appliquer des centimes additionnels plus élevés sur les logements situés dans les quartiers périphériques plus huppés au faible revenu cadastral, ce qui ferait augmenter leur précompte immobilier. « La différenciation des centimes additionnels dans les communes bruxelloises ne porterait pas nécessairement sur un quartier ou une zone, elle pourrait également être appliquée sur la base d’autres critères : l’utilisation du bien à titre professionnel ou privé, le fait que le contribuable soit résident ou non, etc. Bref, sur la base de paramètres socio-économiques. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, et Bruxelles Fiscalité non plus. »
D’après une analyse de Bruxelles Fiscalité, une différenciation sur la base de paramètres socio-économiques serait assez complexe. Elle suit ainsi le raisonnement de VLABEL, en charge de la perception des centimes additionnels au précompte immobilier dans les communes flamandes, selon qui une différenciation doit être simple et le processus d’enrôlement automatisé en aucun cas entravé. « Les communes qui optent pour ce système en Flandre doivent d’abord faire examiner leur proposition par le Gouvernement flamand quant à sa faisabilité technique. Si le système est mis en place à Bruxelles, le Gouvernement bruxellois doit également avoir son mot à dire. Mais rien n’est encore clair à ce niveau et la Région ne contrôle pratiquement pas les finances communales », explique Vanden Borre.
Bruxelles Fiscalité craint également que les communes ne se servent de cette possibilité de différenciation en réponse à une situation financière de plus en plus difficile pour elles. Le Service Public Régional ne voit en effet pas d’autres objectifs. Bruxelles Fiscalité se demande par ailleurs comment cette augmentation des recettes communales pourrait être conciliée avec les objectifs du Gouvernement bruxellois de stimuler le climat d’entreprise en harmonisant les taxes communales et régionales sur les entreprises, voire en les réduisant si possible. « Onze des dix-neuf communes de la Région de Bruxelles-Capitale ont augmenté leur taxes cette année ou prévoient de le faire l’année prochaine. Evere, Jette et Woluwe-Saint-Lambert ont déjà augmenté leurs centimes additionnels au précompte immobilier cette année. D’autres comme Anderlecht, Forest, Ganshoren, Ixelles, Molenbeek, Saint-Gilles, Schaerbeek et Watermael-Boitsfort ont prévu de le faire l’année prochaine. Molenbeek prévoit également une augmentation des centimes additionnels à l’impôt des personnes physiques en 2023. Et la Ville de Bruxelles a récemment augmenté sa taxe sur les immeubles de bureaux de 75 % ! Le but est de combler leurs déficits », dénonce Vanden Borre.
« Je suis pour la possibilité d’appliquer des centimes additionnels au précompte immobilier différenciés, mais sur le modèle flamand, qui doit davantage être perçu comme s’inscrivant dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire et de développement urbain qu’en tant que politique de revenus de la ville », précise Vanden Borre. « Je crains cependant que la classe moyenne et les entreprises bruxelloises n’en fassent les frais et aient à payer pour les déficits sans fond des communes. L’exode urbain va encore s’aggraver », conclut Vanden Borre.