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Johan Van Overtveldt : « Les responsables politiques devraient avoir le courage de dire que les moyens sont limités »

Dans une double interview accordée à Knack, l’eurodéputé et ancien ministre des Finances Johan Van Overtveldt et l’ancien chef économiste de la Banque centrale européenne Peter Praet ont donné leur vision de le hausse de l’inflation. Petit aperçu des différentes déclarations de Johan Van Overtveldt.
Sur les causes de l’inflation
« L’Europe a abordé la question de l’aide liée au coronavirus de manière structurelle, alors que les États-Unis ont préféré remettre un chèque unique. Un chèque très généreux, trop même, mais on voit que le déficit y est en nette réduction. En Europe, les mesures financières continuent de peser sur les finances publiques. »
« À travers sa politique énergétique, l’Europe a elle-même contribué à l’inflation. Elle a mal préparé et mal évalué la transition énergétique. Le passage aux énergies renouvelables est beaucoup trop lent. La fiabilité des énergies renouvelables n’est par ailleurs pas aussi bonne qu’attendu. En Allemagne, la part de l’énergie éolienne a baissé soudainement car il y a eu moins de vent. De nombreux pays sont sortis trop rapidement de l’énergie nucléaire, tandis que les investissement dans les énergies fossiles ont considérablement baissé. Nous allons pourtant continuer d’utiliser des énergies fossiles pendant dix ans au moins. La transition énergétique nécessite par ailleurs de nombreuses matières premières nouvelles, comme le cuivre, le nickel, le cobalt, etc. La demande et les prix ont explosé. »
Sur le rôle de la BCE et les taux bas
« La BCE nous expliquait que l’inflation était un phénomène temporaire. Elle l’a clairement sous-estimée. Elle aurait dû relever ses taux dès le début d’année. Elle fait maintenant face à un dilemme : si elle ne relève pas suffisamment ses taux, elle risque de ne plus maîtriser l’inflation. Il est donc très probable que l’Europe traverse une période de stagflation, voire pire. En cas de hausse sensible des taux, le risque est de connaître une nouvelle crise de l’euro, comme en 2009. »
Sur un éventuel Saut d’index La Belgique est l’un des rares pays à avoir instauré une indexation automatique. Grâce à ce mécanisme, les salaires et allocations sociales sont adaptés en fonction de l’inflation. Comme les salaires augmentent parallèlement au coût de la vie, il se crée un risque de handicap salarial, ce qui endigue la compétitivité. Le saut d’index, qui consiste à ne pas appliquer temporairement l’adaptation automatique de l’indice, offre une solution à ce problème. saut d’index
« J’ai fait partie d’un gouvernement qui a mis en œuvre un saut d’index et n’y suis donc pas opposé en principe. Mais je pense que ce ne serait pas judicieux d’un point de vue psychologique. Les citoyens traversent une période de grande incertitude. Les hausses de salaires ne doivent toutefois pas déraper. Nous devons respecter la loi relative à la norme salariale, qui prévoit que nos salaires n’augmentent pas plus vite que dans les pays voisins. »
« On pourrait diminuer les cotisations sociales des employeurs. Cela réduirait nettement les coûts salariaux. Si les salaires augmentent et que la Compétitivité La mesure dans laquelle des entreprises implantées dans un pays peuvent faire concurrence aux mêmes entreprises dans un autre pays. Depuis 1996, il existe en Belgique une loi visant à surveiller la compétitivité. Elle dispose que les charges salariales ne peuvent pas évoluer plus rapidement que la moyenne de nos trois pays limitrophes. Le CCE (Conseil Central de l’économie) mesure chaque année si cet objectif est atteint. compétitivité est mise en danger, de très nombreux emplois seront détruits, ce qui ne ferait qu’aggraver les problèmes budgétaires pour les années à venir. C’est pourquoi je suis également contre le salaire minimum. Pour les emplois où c’est pertinent d’un point de vue économique, les employeurs devraient pouvoir payer moins que le salaire minimum existant. Pour éviter que cela ne crée des working poors, ce qui n’est bon pour personne, nous devrions pouvoir utiliser l’argent des allocations de chômage pour ajuster ces bas salaires afin qu’ils atteignent le salaire minimum. »
Responsabilité de nos décideurs politiques
« Il s’agit d’un problème général. Le monde politique est devenu beaucoup trop volontariste. Les responsables politiques devraient avoir le courage de dire que les moyens sont limités, qu’il faut savoir fixer des priorités et qu’il n’est même pas possible de faire quoi que ce soit sur certaines questions. Qui ose le dire actuellement ? Personne. Ils prétendent tous pouvoir tout résoudre. »