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Entretien avec Jan Jambon dans L'Echo

Selon le ministre des Finances, Jan Jambon (N-VA) , l’Arizona va devoir renégocier dans les prochaines semaines un budget pluriannuel bis pour réduire les déficits.
On rencontre le ministre des Finances et des Pensions le temps d’un déjeuner. Au menu: ni féculent, ni sauce, ni alcool pour Jan Jambon (N-VA) qui veut garder la forme pour s’attaquer aux nombreux dossiers techniques qui s’empilent sur son bureau en cette rentrée: réforme fiscale, taxe sur les plus-values, pensions, budget… Mais on démarre l’entretien avec le dossier chaud qui a fait tanguer l’Arizona au cours de l’été, à savoir la reconnaissance de l’État palestinien.
Sur Gaza, le gouvernement a dépensé beaucoup d’énergie pour un accord assez évident.
Jan: Pas tant que ça. Le kern ne s’est réuni que deux fois, dont une au finish, pour parvenir à un accord. Nous avons trouvé un bon compromis équilibré dans lequel chaque parti trouve son compte sans trop s’éloigner de sa ligne. Mais c’est surtout l’Europe, qui n’est pas du tout unie, qui pourrait avoir de l’influence sur ce conflit. Nos deux réunions se sont déroulées de manière très courtoise, sans un mot de travers, même si c’était une discussion difficile.
Ceux qui vocifèrent sont à l’extérieur du gouvernement.
Jan: Les présidents de parti doivent pouvoir mettre en avant leur ligne, c’est un rôle différent. Mais avec le Premier et les vice-Premiers autour de la table, cela s’est passé de manière constructive. C’est bien que tout cela soit clarifié, car nous allons maintenant pouvoir nous consacrer aux dossiers sur lesquels nous avons vraiment une prise. À commencer par la deuxième lecture de la réforme fiscale et de la taxe sur les plus-values, et la concertation sociale pour la réforme des pensions. Et puis le gros morceau avec la préparation du budget pluriannuel. Je ne dirais pas comme Bouchez qu’il faut un «Nouveau Testament», mais il s’agira d’une négociation fondamentale.
Craignez-vous de devoir renégocier la réforme des pensions? Vooruit veut déjà revoir le malus pour les malades longue durée.
Jan: La réforme des pensions ne se limite pas aux malades de longue durée. Il y aura peut-être des ajustements pour obtenir davantage de soutien, mais pas de renégociation complète. Les principes de base doivent rester, à savoir l’harmonisation le plus possible des différents régimes et l’alignement des montants sur les périodes où l’on a effectivement travaillé.
S’il s’avère que les femmes sont particulièrement perdantes, quelle sera la marge d’adaptation?
Jan: Je ne suis pas convaincu que les femmes soient plus impactées. Pour le bonus-malus en cas de retraite anticipée, on considère déjà qu’une année de travail doit compter 156 jours, ce qui correspond à un mi-temps. Les congés maladie et de maternité sont assimilés à des jours de travail pour le calcul du malus. Mais nous avons dit dans l’accord de gouvernement que nous monitorerons les effets sur la pauvreté et en termes de genres.
Si l’on compare la réforme à la première supernota de De Wever, tout semble un peu édulcoré.
Jan: Je ne suis pas d’accord. Les grandes lignes concernaient l’uniformisation des tantièmes des fonctionnaires et la fin des régimes préférentiels, pour les militaires par exemple. Tout cela est resté. Une supernota, c’est une base de négociation. On vise haut pour avoir de la marge. Mais je pense que la Bible, c’est l’accord de majorité qui est très détaillé sur les pensions.
L’Arizona est-elle capable d’aller plus loin pour éviter un déficit évalué à plus de 6% du PIB Le produit intérieur brut (PIB) correspond à la production totale de biens et de services au sein d’un pays, tant d’entreprises que des administrations. Il est généralement utilisé comme critère d’évaluation de la prospérité d’un pays. C'est la raison pour laquelle la N-VA surveille de près l’évolution du PIB belge. PIB en 2029?
Jan: C’est ce que nous verrons dans les prochaines semaines. Sur le plan budgétaire, le défi est énorme. La situation géopolitique n’a bien sûr pas aidé. Si les négociations avaient duré neuf mois au lieu de huit, nous aurions eu un accord de majorité différent. Car ce n’est qu’après la prestation de serment que Donald Trump a clairement indiqué que l’Europe devrait assumer sa propre sécurité et que l’Otan a demandé que l’on augmente la norme de dépense en Défense. Nous allons donc sérieusement nous remettre au travail pour élaborer un budget pluriannuel bis. Et il n’y a pas de formule magique. Il y a trois éléments pour équilibrer un budget: réformer, économiser et taxer.
Dans quelles proportions?
Jan: Nous avons une formule dans l’accord de gouvernement: deux tiers de l’effort via des réformes et un tiers via des mesures discrétionnaires. Dans cette deuxième partie, seulement un tiers peut être issu de nouveaux impôts, soit un neuvième du total. On verra si on peut réutiliser cette formule. Ce sera un travail difficile, mais l’accord d’été et les discussions sur Gaza ont démontré que tout le monde au sein du gouvernement veut conclure des accords. Personne ne peut prendre la responsabilité de faire tomber un gouvernement dans la période que nous traversons.
En plus, les recettes s’annoncent à la baisse.
Jan: Celles-ci dépendent de la conjoncture. Il faut attendre les chiffres du comité de monitoring qui définiront notre ligne directrice. Je ne suis pas un grand partisan de l’idée d’aller chercher de nouvelles recettes, car nous sommes déjà un paradis fiscal inversé, le pays le plus taxé à tous les niveaux. Mais penser qu’avec cette coalition, on pourra trouver un accord budgétaire sans regarder du tout du côté des recettes, ce n’est pas réaliste.
Ce gouvernement se cache beaucoup derrière les dépenses militaires, mais la réalité est aussi qu’aucune instance ne croit à vos effets retours.
Jan: Pourtant, nous avons calculé ce qu’une personne percevant aujourd’hui une allocation rapporterait à l’État en allant travailler. Et puis nous avons encore atténué les montants par prudence. L’avantage, c’est que le gouvernement a déjà adopté une série de réformes majeures en seulement quelques mois au début de la législature, ce qui nous laisse le temps de monitorer et d’ajuster si ces estimations se révèlent fausses.
Dans ces circonstances, est-il possible d’avancer la réduction des charges comme le réclame Bouchez?
Jan: Je ne pense pas. Sinon, nous l’aurions déjà fait lors de l’accord d’été. L’idée d’avancer le calendrier n’est pas restée longtemps sur la table, car tout le monde comprend la gravité de la situation budgétaire. Il faut d’abord assainir avant de donner. La situation budgétaire est pire aujourd’hui qu’au moment où l’on a fixé le timing, donc si l’on avance les choses maintenant, on empire la situation.
Entre l’arrivée de l’ETS2 – mécanisme de taxation carbone – et les futurs conclaves budgétaires, que restera-t-il des gains promis aux citoyens d’ici 2029?
Jan: La réforme fiscale votée cette année doit rapporter 100 euros par mois aux travailleurs. D’après moi, on doit respecter et protéger cet élément qui fait partie de l’accord de gouvernement.
Dans vos simulations, qui sont les gagnants et perdants de la réforme?
Jan: Les salaires les plus bas, car le brut équivaudra au net, avec le bonus emploi. Et les personnes isolées avec la réduction de la Cotisation spéciale pour la Sécurité sociale En Belgique, la sécurité sociale relève jusqu’à aujourd’hui du fédéral. Les principaux piliers de la sécurité sociale belge sont l’assurance maladie-invalidité (INAMI), les pensions, l’assurance-chômage et les allocations familiales, sans oublier les maladies professionnelles, les accidents du travail et les vacances annuelles. Certains partis flamands prônent depuis longtemps le transfert de (grands pans de) la sécurité sociale aux régions et communautés. Sécurité sociale . Je ne pense pas qu’il y ait de perdants, car le relèvement de la quotité exemptée d’impôts, c’est pour tout le monde.
La quotité exemptée d’impôt que la N-VA ne voulait pas.
Jan: Une fois encore, c’est le résultat d’une négociation. Nous sommes venus à la table avec un autre modèle de réforme fiscale. J’avais notamment espéré que l’on supprime complètement la Cotisation spéciale pour la Sécurité sociale introduite à l’époque par Jean-Luc Dehaene.
Comment la taxe sur les plus-values a-t-elle été accueillie à Brasschaat?
Jan: La teneur des échanges avec le public concerné, c’est de dire que si la taxe sur les plus-values est le ticket qui nous permet d’aller au bout des réformes sur le marché du travail, les pensions, les malades longue durée, alors les gens sont prêts à l’accepter. C’est aussi mon sentiment. Je ne suis pas un grand amateur de cet impôt que j’ai dû introduire moi-même, par loyauté comme cela figure dans l’accord de gouvernement.
Se peut-il que les citoyens les plus fortunés ne soient pas si fâchés parce qu’ils y échapperont, leurs placements étant effectués via des sociétés?
Jan: Les sociétés paient aussi des impôts en Belgique. L’impôt des sociétés est en soi une forme de taxe sur les plus-values. Et les personnes riches qui retirent l’argent de leur société vont aussi payer la taxe, ils n’y échapperont pas. Mais la différence, c’est que quelqu’un avec une grande fortune qui n’en utilise qu’une petite partie pour vivre peut se montrer plus créatif.
Avez-vous des regrets concernant la complexité de cette taxe, alors qu’une première version de votre texte supprimait la taxe Reynders sur les fonds obligataires et la taxe boursière?
Jan: D’après moi, c’est trop compliqué et j’espère que, dans le futur, on pourra simplifier un peu les choses. Mais les partis de la coalition qui voulaient la taxe sur les plus-values avaient très peur qu’on l’enterre. J’ai voulu leur donner un signal de confiance en leur montrant que nous ne jouons pas à des petits jeux. L’accord de gouvernement a été respecté, mais le résultat est trop complexe. J’espère que l’on pourra revoir certains aspects dans le futur, notamment la coexistence de la taxe sur les plus-values et la taxe Reynders, maintenant qu’on a la confiance des autres partis.
Les banques craignent toujours que les délais ne soient pas tenables.
Jan: Nous sommes en contact étroit avec le secteur bancaire, j’ai encore rencontré Febelfin la semaine dernière à ce sujet et nous avons mis en place ensemble un groupe de travail pour suivre cela. Je suis prêt à appliquer une tolérance administrative et éventuellement à percevoir la taxe plus tard dans l’année. Notre rôle est bien sûr de les challenger et de les convaincre de démarrer au 1 er janvier, mais aussi de les écouter s’ils nous disent demain que ce ne sera pas possible opérationnellement d’être prêt avec l’option par défaut, à savoir le prélèvement direct de la taxe.
Percevoir plus tard aura-t-il des répercussions sur les recettes en 2026?
Jan: Nous regardons comment l’aborder. Je veux que cela se passe correctement, car si on entre en conflit avec le secteur bancaire, alors on est certain de ne pas obtenir le rendement espéré. On mène aussi des discussions sur la façon dont les banques sauront si un client choisit de payer la taxe sur les plus-values via sa déclaration fiscale plutôt que d’avoir un prélèvement à la source de la banque.
Vous avez demandé à Belfius de se préparer à une ouverture de son capital à des investisseurs privés. La question est déjà tranchée?
Jan: Il y a deux éléments dans ma lettre: le dividende exceptionnel de 500 millions d’euros pour financer la Défense en 2026, qui figure déjà dans les tableaux budgétaires et la demande de préparation de l’ouverture du capital pour laquelle la décision n’est pas encore prise. Il est connu que le gouvernement veut vendre une partie de ses participations pour alimenter le Fonds de Défense. Mais je n’en dirai pas plus sur les options, car c’est une information sensible pour la bourse.
Avez-vous une préférence entre l’entrée de grands acteurs dans la banque ou l’introduction en bourse?
Jan: Je suis ouvert aux deux pistes, mais une ouverture de capital ira plus vite qu’une introduction en bourse qui demande plus de travail, un peu plus de préparation. En tout cas, les actions des banques se portent bien, c’est un bon timing pour bouger.
À quoi ce Fonds Défense va-t-il finalement servir?
Jan: Pas aux dépenses militaires, je veux le dire clairement maintenant. Ce serait idiot de payer des dépenses courantes et récurrentes via un Fonds. Avec ce Fonds, la SFPIM, qui gère les participations de l’État, donnera un élan à l’industrie belge de la Défense, afin que nos entreprises puissent répondre aux commandes militaires qui vont augmenter partout en Europe. Si ces entreprises font ensuite des profits et distribuent des dividendes à la SFPIM, l’État en bénéficiera à nouveau.
Pendant la formation du gouvernement, la N-VA préconisait l’achat d’armes avec ce fonds. Qu’est-ce qui a changé?
Jan: On n’y avait pas encore suffisamment réfléchi à ce moment-là. Mais moi-même, je n’ai en tout cas jamais pensé que c’était une bonne idée d’acheter des balles avec des recettes one shot. Le jour où ces munitions sont utilisées ou périmées, tout l’argent est perdu.
À l’étranger, le débat sur la saisie des avoirs russes gelés refait surface. Le gouvernement belge est-il sous pression pour agir?
Jan: Cela va encore. La plupart des pays admettent off the record que cela saperait la crédibilité de notre système financier de donner l’impression que le gouvernement peut décider de confisquer de l’argent privé. Mais bien entendu cela sonne bien de dire à sa population que nous avons des milliards d’argent russe que nous allons utiliser. N’oublions pas que l’on utilise déjà les recettes fiscales de ces milliards pour soutenir l’Ukraine.
Le secteur pharma est très important pour la Belgique, avez-vous des mesures en préparation pour amoindrir le choc des droits de douane américains?
Jan: Pour le moment, le secteur ne demande encore rien. On ne sait pas encore très bien comment cela va évoluer. Il est clair que le secteur pharmaceutique est très important pour notre pays. Et nous devons donc éviter de perdre des investissements. Nous suivons donc la situation de près. Il faut que ce soit un signal d’alarme pour la Belgique et l’Europe afin de renforcer notre Compétitivité La mesure dans laquelle des entreprises implantées dans un pays peuvent faire concurrence aux mêmes entreprises dans un autre pays. Depuis 1996, il existe en Belgique une loi visant à surveiller la compétitivité. Elle dispose que les charges salariales ne peuvent pas évoluer plus rapidement que la moyenne de nos trois pays limitrophes. Le CCE (Conseil Central de l’économie) mesure chaque année si cet objectif est atteint. compétitivité .