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Entretien avec Cieltje Van Achter dans La Libre

Cieltje Van Achter, ministre flamande en charge des Affaires bruxelloises, se joint à la proposition du MR pour sortir du blocage des négociations bruxelloises. « Il faut considérer le retour aux élections comme une solution » , déclare-t-elle dans un entretien accordé à La Libre.
Quinze mois après les élections régionales bruxelloises, les négociations pour former un gouvernement sont au point mort. Frédéric De Gucht, président de l'Open VLD à Bruxelles, a refusé de négocier sur la base d'une majorité à sept partis, sans la N-VA. Le PS, quant à lui, a mis son veto contre un gouvernement avec la N-VA. Cieltje Van Achter, ministre flamande des Affaires bruxelloises et des Médias, et cheffe de file de la N-VA à Bruxelles, a décidé de sortir du bois.
Frédéric De Gucht a pris mercredi la main sur les négociations bruxelloises. C'est mal parti: Ecolo a déjà refusé de venir à table, à cause de la présence de la N-VA.
Cieltje: Refuser de parler du fond et mépriser la majorité flamande existante est un profond échec démocratique pour Bruxelles. A la N-VA, nous nous sommes toujours montrés constructifs. Bruxelles a absolument besoin d’un gouvernement, plus que jamais, pour remettre de l’ordre budgétaire, dans la sécurité, la propreté, les réformes fédérales du travail... C’est ma manière de faire de la politique. Je suis triste de la situation à Bruxelles, qui me touche profondément. Nous avons eu un mandat des électeurs pour bosser et trouver des solutions pour Bruxelles. Mais il n’est même pas possible de réunir les gens à table, c’est incompréhensible... Je n’aurais jamais pensé connaître une solution pareille, dans laquelle le PS bloque tout ! Ils refusent d’être à table avec le plus grand parti de Flandre.
Mais vous n’êtes pas le premier parti à Bruxelles (la N-VA a récolté 2 sièges sur les 19 dévolues aux néerlandophones)…
Cieltje: Nous sommes le troisième plus grand (côté néerlandophone), derrière Groen, et la Team Fouad Ahidar. Beaucoup d’électeurs sont choqués du mépris du PS pour la communauté flamande, pour les néerlandophones. Les gens se sentent pris en otage. Le fait de ne même pas vouloir être autour de la table pour discuter, c'est un manque de respect pour les institutions, pour la démocratie. Pour moi, Ahmed Laaouej est le Donald Trump de Bruxelles. Ce mépris pour les lois, pour les institutions, c’est du jamais vu!
Vous estimez qu’Ahmed Laaouej met en danger les institutions ?
Cieltje: Oui, et il met en danger Bruxelles. Sa politique, c’est de l’anti-politique, puisqu’il refuse même de discuter des politiques dont Bruxelles a besoin. Hier, j’ai inauguré une maison de jeunes, rue Dansaert, dans le centre de Bruxelles. Deux ados de 16 m’ont dit : on est contents que ce local s’ouvre car on a peur de rester en rue. C’est pour des gens comme eux que je fais de la politique, je veux leur montrer qu’on peut prendre les choses en main, s’occuper de leur sécurité. Ce n'est pas le cas actuellement avec un ministre Président absent comme Rudi Vervoort.
En même temps, ce n'est pas la faute de Rudi Vervoort et de ses ministres s'ils sont toujours est en affaires courantes. Vous trouvez malgré tout qu’il ne joue pas son rôle ?
Cieltje: Non ! Le gouvernement actuel ne fait pas grand-chose pour éviter la détérioration de la situation budgétaire. Il faut aussi un gouvernement qui prend la sécurité au sérieux et qui ne cherche pas à mener une opposition à la politique fédérale. On n’a pas le temps pour ces jeux politiques, il faut travailler ensemble à chaque niveau. Si la situation bruxelloise est bloquée, c’est parce que le PS ne veut pas de réforme.
Le PS n’est pas le seul à avoir bloqué. Il y a eu le veto du MR contre la Team Ahidar, le CD&V, puis le blocage de Frédéric De Gucht.
Cieltje: Si les règles avaient été suivies, que chaque groupe linguistique avait pu former sa majorité de son côté avant de se réunir pour négocier, comme c’est le cas d’habitude, on aurait déjà un gouvernement.
Il y avait 4 partis (Groen, N-VA, Vooruit et Open VLD) pour trois postes, ce qui nécessitait de créer un poste de commissaire de gouvernement. Et pour cela, il fallait l’accord du PS.
Cieltje: Il voulait meme faire un ministre en plus. c’etait l’idee du PS de faire un ministre en plus mais juste pas pour la n-va. Donc, ce e n’était pas ça le vrai problème. Simplement, les socialistes sont au pouvoir à Bruxelles depuis 35 ans. Ils sont donc responsables de la mauvaise gouvernance. Mais ils ne veulent pas réformer.
Il y a quelques semaines, Georges-Louis Bouchez a proposé de donner un de ses postes de Secrétaire d’État à une personne « N-VA compatible ». Mais cela a capoté quand vous avez voulu envoyer un sherpa N-VA à la table des négociations, et que le PS n’en voulait pas…
Cieltje: Vous vous rendez compte de quoi on parle ? Tout le monde essayait de trouver des solutions, mais ça n’a pas mis une journée avant que le PS bloque! Bruxelles est pris en otage, avec des conséquences sur les entreprises, les asbl. Et pourquoi ?
Le PS bruxellois estime qu'il y a des relents racistes à la N-VA. En interne, les posts de Theo Francken circulent beaucoup, dont celui dans lequel il soutenait les propos d’une philosophe néerlandaise (Andrea Speyerbach, qui parlait des « conséquences désastreuses de la migration massive »).
Cieltje: C’est de la diffamation. Nous ne sommes pas racistes du tout, et si c’était vraiment le cas, qu’ils portent plainte ! C’est du n’importe quoi, et une excuse pour ne pas parler du fond autour de la table. Ce qui m’intéresse, moi, ce n’est pas un post (de Theo Francken), c’est comment on va réformer Bruxelles, la rendre propre.
David Leisterh a proposé samedi dernier de retourner aux élections, via un vote au fédéral, considérant que tout le reste avait été tenté. Revoter, c’est une piste pour la N-VA ?
Cieltje: C’est clair que c’est une piste. Si certains ne respectent pas le résultat des élections qui ont eu lieu- et c’est ce qu’il se passe- on ne doit pas avoir peur de retourner aux urnes. Continuer en affaires courantes pendant 4 ans sera impossible. Il faut donc regarder s’il est possible d’organiser des élections. Ce ne sera pas facile car il faudra obtenir une majorité des deux tiers à la Chambre pour changer la loi spéciale, et avoir la possibilité d’organiser des élections au Parlement bruxellois. Mais cela peut être une dernière étape, car on est tout à fait bloqués.
La N-VA, au niveau fédéral, pourrait donc envisager de soutenir un retour aux élections ?
Cieltje: J’ai mis la proposition sur la table en interne. Beaucoup de Bruxellois me demandent pourquoi ils ne peuvent pas retourner aux urnes.
Ridouane Chahid (PS), député fédéral, a dit n’être pas y être favorable. Cela vous étonne que le PS prenne cette position ?
Cieltje: Non, ça ne m’étonne pas. D’abord ils bloquent, et ensuite ils n’ont même pas le courage de demander aux électeurs ce qu’ils en pensent… Ce qu’il se passe, c’est une tragicomédie. Pendant 10 ans, le PS nous a accusés d’avoir l’intention de bloquer Bruxelles. Moi je n’ai fait, depuis le Parlement bruxellois, que des propositions constructives pour améliorer la gestion de Bruxelles. Et ce qu’on voit, aujourd'hui, c’est que c’est le PS qui bloque Bruxelles… Alors oui, si on ne s’en sort pas, il faut considérer les élections comme une solution.
Si on change la loi spéciale à la Chambre, faut-il en profiter pour réformer Bruxelles, comme le suggère David Leisterh ?
Cieltje: Plein de choses ne fonctionnent pas à Bruxelles, mais il faut aller au plus simple et d’abord organiser des élections. La situation est déjà assez compliquée comme ça.