Bart De Wever : « Si la plus grave crise du siècle ne suffit pas à mettre de côté les divergences d’opinion, on ne s’en sortira jamais »

16 mars 2020
Bart De Wever

Un gouvernement d’urgence composé de deux fois cinq ministres et de tous les grands responsables politiques. Telle était la proposition pour laquelle le président de la N-VA Bart De Wever disposait d’un accord de principe avec le PS. Jusqu’à ce que Paul Magnette le torpille à la télévision. « Nos conseillers étaient occupés à rédiger le texte de l’accord de gouvernement PS/N‑VA alors que nous étions devant notre écran. » Bart De Wever s’est exprimé dans De Ochtend à propos du gouvernement d’urgence, des pouvoirs spéciaux accordés au gouvernement résiduel et du triste spectacle de ces derniers jours.

Le président de la N-VA regrette que le PS se soit ravisé. « J’avais un accord de principe jeudi soir, notamment grâce à Conner Rousseau qui est parvenu à nous réunir. Je me suis entretenu avec Paul Magnette et lui ai dit : "Écoutez, nous faisons face à une terrible crise, la plus grave du siècle, et une immense récession va suivre." Dans n’importe quel pays normal, les grands partis montent alors dans un gouvernement. Ils forment un gouvernement d’urgence de deux fois cinq ministres. Un petit gouvernement. Et ils se mettent au travail. »

Véto contre la N-VA

D’après De Wever, Magnette était alors d’accord. « Il est revenu sur sa parole et n’a finalement pas osé. Et il a ensuite mis son veto contre la participation de la N-VA. Les autres partis ont alors suivi. Il nous reste donc le gouvernement résiduel. Pratiquement rien n’a changé. Le gouvernement résiduel reste tout simplement en place. C’est beaucoup de bruit pour pas grand-chose. »

À la guerre avec un gouvernement minoritaire

Dans n’importe quel pays normal, on ne s’attaquerait jamais à une telle crise avec un gouvernement minoritaire, a expliqué De Wever. « Dans n’importe quel pays normal se trouvant en situation de crise nationale, on parle même de guerre, on formerait un gouvernement de guerre. On mettrait de côté les divergences d’opinion et les grandes forces du pays prendraient les commandes. On formerait un gouvernement réduit avec uniquement les personnes véritablement nécessaires, et tous les grands responsables de la rue de la Loi le rejoindraient. Telle était mon offre : deux fois cinq ministres, avec tous les grands responsables. Un tel gouvernement permettrait d’agir de manière résolue. Quel pays partirait en guerre avec un gouvernement minoritaire ? Et en mettant des veto ? Je trouve ce spectacle bien triste, mais je ne peux rien y faire. Mais il faut changer de cap, car la population ne souhaite qu’une chose : que le pays soit gouverné. Il ne faut pas l’empêcher. »

Euphorie des présidents de parti : déplacé au vu des circonstances

La N-VA continuera de se montrer constructive, a souligné le président de la N-VA, mais refuse de donner un chèque en blanc. « J’ai passé tout le week-end à essayer de former un gouvernement d’urgence. Nous n’y sommes finalement pas parvenus et tous les autres partis d’opposition ont été appelés à dire non à la participation de la N-VA l’un après l’autre. C’était déjà clair dimanche. Le PS a dit : nous ne le ferons pas non plus. Et au final, le gouvernement résiduel a dû rester en place. Il a alors répondu : "OK, mais nous ne pouvons rien faire. Nous allons donc demander les pouvoirs spéciaux."

J’ai quant à moi rétorqué : "Si vous avez un texte de pouvoirs spéciaux, nous l’analyserons." Mais je n’ai encore reçu aucun texte. Tout cet enthousiasme, jusqu’aux présidents de parti euphoriques sur la photo, me semble quelque peu déplacé, notamment au vu des circonstances. »

Personne ne va s’opposer aux mesures pour lutter contre le coronavirus

La question est même de savoir si les pouvoirs spéciaux sont réellement nécessaires. « Soyons honnêtes : qui va s’opposer aux mesures contre le coronavirus au Parlement durant les trois prochains mois ? Personne. Je ne vois donc pas l’utilité des pouvoirs spéciaux. Cela a été abordé hier dans un contexte où l’on ignorait si le Parlement allait encore pouvoir se réunir. Car selon certaines projections, jusqu’à 50 % de la population se retrouverait infectée.  Quand je vois le nombre de patients parmi mes amis et connaissances, je me dis que la situation risque d’être très délicate. Et des pouvoirs spéciaux seraient alors nécessaires afin de pouvoir continuer à gouverner, même sans Parlement. C’est dans ce contexte que cela a été évoqué. Mais nous avons déjà un gouvernement d’urgence. Il est déjà là. Il était déjà en place avant-hier et est toujours là aujourd’hui. C’est finalement beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Mais nous resterons constructifs. »

Ni réforme de l’État ni poste de Premier ministre

Bart De Wever dément l’affirmation selon laquelle la N-VA aurait exigé une réforme de l’État ou le poste de Premier ministre contre un gouvernement d’urgence. « J’ai dit jeudi soir : "C’est une proposition. Je suis prêt à le faire éventuellement, mais je ne l’ai jamais exigé." Et j’ai dit hier lors de la réunion avec Patrick De Wael : "Je quitte cette réunion si tout le monde ne confirme pas qu’il est mensonger de dire que je l’ai exigé. De même si  tout le monde ne confirme pas qu’il est mensonger de dire que j’ai demandé une réforme de l’État comme préalable à toute discussion." Tout le monde a reconnu que c’était faux. Ces allégations ont été propagées à l’antenne dimanche matin uniquement pour nous débarquer. »

Un nouvel accord pour la Belgique

Autour d’un gouvernement d’urgence, Bart De Wever souhaitait bel et bien essayer de faire se rapprocher les différents partis, y compris le PS. « Si nous formons un gouvernement d’urgence, nous sommes partis pour six mois. Voire un an en cas de forte récession. Si tous les poids lourds se trouvent au sein d’un même gouvernement, ces partis peuvent peut-être se jauger et présenter un nouveau grand accord pour la Belgique d’ici un an. Ce temps peut être utilisé utilement. Et j’ai donc bel et bien évoqué l’article 195, mais ils ont tourné ça de façon à faire croire qu’il s’agissait pour moi d’une condition préalable à la formation d’un gouvernement d’urgence. C’est un véritable manque de respect et d’honneur, on ne respecte plus aucun code. »

Coincés jusqu’en 2024

Les péripéties politiques des derniers jours rendent De Wever sceptique quant aux perspectives d’avenir du pays. « Il y a de quoi être sceptique. Si ce qui promet d’être la plus grave crise du siècle, car soyons réalistes, les conséquences économiques seront terrifiantes, n’est pas suffisant pour mettre de côté les divergences d’opinion, on peut bien se demander ce qui pourrait l’être. Et il n’est malheureusement pas difficile à croire que ce pays pourrait ne pas former de gouvernement avec une réelle majorité et que l’on se retrouvera ainsi coincés jusqu’en 2024. »

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