Érosion de l’état de droit : le coronavirus ne doit pas servir à faire passer la pilule

Les décisions successives des autorités dans la lutte contre la crise du coronavirus ont un impact majeur sur notre vie quotidienne. Elles sont pourtant nécessaires. Le gouvernement fédéral joue toutefois avec le feu en ignorant complètement le rôle du parlement et en faisant appel uniquement au Conseil d’État, qui ne tient visiblement pas à l’entraver.

Les constitutionnalistes expliquent à juste titre que le rôle du parlement (et le fait de l’ignorer) quand il s’agit des « restrictions les plus drastiques de nos droits fondamentaux » forme un aspect essentiel de notre démocratie. Le gouvernement fédéral agit via des arrêtés ministériels et omet de fournir une justification constitutionnelle aux mesures prises contre le coronavirus.

En réalité, le gouvernement (ou plutôt : un seul ministre !) dirige à travers des pouvoir spéciaux qu’il s’attribue lui-même et qui ne sont pas approuvés par le parlement. Avec les pouvoirs spéciaux, nous étions déjà à limite du cadre de la démocratie parlementaire au printemps, mais les appliquer sans le moindre débat à la Chambre, c’est aller trop loin.

Il serait possible de faire valider les mesures prises par la Chambre avec effet rétroactif en raison des circonstances exceptionnelles et dans l’intérêt général. La motivation devrait toutefois être parfaitement formulée et les limites clairement définies, car une telle rétroactivité est, et c’est un euphémisme, inhabituelle et pas défendable devant la Cour constitutionnelle si elle n’est pas dûment justifiée par des circonstances exceptionnelles.

Il faudrait également une solution plus structurelle à travers une loi spécifique sur le coronavirus. Les Pays-Bas peuvent servir d’exemple. Lors de la première vague, le Parlement flamand a approuvé un décret octroyant plusieurs compétences au pouvoir exécutif, dans le respect de l’état de droit.

Nous suggérons au gouvernement de constituer immédiatement une task force composée d’experts chargés de s’assurer que les mesures prises contre le coronavirus reposent sur une base solide et de permettre la définition conforme des éventuelles mesures à venir.