« Bart De Wever voit l’Europe se droitiser et veut en être » – De Standaard

6 septembre 2025

Le Premier ministre Bart De Wever sent souffler en Europe un vent favorable à l’agenda qu’il défend depuis des années, tant sur le plan de la migration que de l’industrie et de l’économie. « Je suis revenu de ma tournée européenne en demi-optimiste », rapporte De Standaard.

« Nous sommes à la veille d’une nouvelle Europe. » À Amsterdam, jeudi soir, Bart De Wever a exposé sa vision de l’avenir européen. Le Premier ministre belge était invité par EW (anciennement Elsevier Weekblad) pour prononcer la conférence HJ Schoo, traditionnellement perçue aux Pays-Bas comme l’ouverture officieuse de l’année parlementaire. Orateur chevronné, De Wever a séduit son public sans difficulté.

Mais sur la scène internationale, Bart De Wever s’affirme désormais comme bien plus que « l’homme le plus drôle de l’UE », étiquette que lui avait collée Politico au printemps dernier. D’Amsterdam à l’Autriche, il plaide pour une Europe plus forte : une Europe capable de bloquer la migration à ses frontières extérieures, de renforcer son marché intérieur, de mobiliser des capitaux et de tenir tête aux menaces venues de l’extérieur – à commencer par la Russie.

Jeudi, il était d’abord passé par Paris, où le président Emmanuel Macron avait réuni une coalition de volontaires pour constituer un front européen en faveur de l’Ukraine. Une visioconférence avec le président américain Donald Trump et ces mêmes volontaires s’est apparemment révélée moins fructueuse qu’espéré. À Amsterdam, De Wever a décrit l’épisode comme « se faire traiter de vaurien ». Et il a mis en garde : rien n’exclut que Donald Trump préfère un accord avec Vladimir Poutine à un soutien à l’Europe et à l’Ukraine. « Nous ne sommes pas prêts. Une guerre se déroule sur notre continent et nous n’avons pas la capacité d’y mettre fin sans les États-Unis. »

D’où la nécessité, selon lui, pour l’Europe de se retrousser les manches – notamment en matière de migration, d’économie et d’autonomie stratégique. La prospérité doit redevenir centrale : Erst kommt das Fressen, dann kommt die Moral. Ou, comme il l’a résumé à Amsterdam : « Seuls la croissance et la prospérité nous donnent le poids, la puissance et l’influence nécessaires pour compter à l’échelle mondiale et changer le monde dans le bon sens. »

Merci Trump

Bart De Wever constate qu’un vent favorable souffle en Europe pour les idées qu’il défend de longue date. « Le vent tourne très vite en Europe », a-t-il déclaré plus tôt cette semaine lors d’une soirée organisée par la fédération patronale flamande Voka Voka, le Vlaams netwerk van ondernemingen, soit le réseau flamand d’entreprises, est une organisation flamande d’employeurs qui représente plus de 16 000 entreprises en Flandre et à Bruxelles, qui représentent 65 % de l’emploi privé. Le Voka a été institué en janvier 2004 dans le cadre de la collaboration entre le Vlaams Economisch Verbond (VEV) et les huit chambres régionales de commerce en Flandre. Voka . « Avec le recul, nous devons presque remercier Trump de nous mettre autant sous pression : cela rend possibles des décisions que nous devrions prendre de toute urgence. »

« Nous devons saisir cette opportunité en or », a ajouté Bart De Wever. Il a vu la preuve de ce changement l’an dernier, quand la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, est venue dans sa ville d’Anvers pour un sommet européen de l’industrie tenu à la Bourse du Commerce. Avec la Déclaration d’Anvers, les grands patrons européens avaient alors appelé à un European Industrial Deal venant compléter le Green Deal et destiné à « préserver les emplois en Europe ».

« Elle y a été recadrée par les dirigeants de l’industrie européenne », a raconté Bart De Wever. « Depuis, je sens qu’il se passe quelque chose au sein de la Commission. » Un an plus tard, Ursula von der Leyen présentait dans cette même Bourse le Clean Industrial Deal. Le climat est passé à l’arrière-plan.

Même constat du côté de l’eurodéputée Assita Kanko (N-VA), ravie de voir l’Europe se rapprocher des positions de son parti : « L’Europe a beaucoup changé par rapport à il y a quelques années, quand elle était encore sous l’emprise du climat-activisme », explique-t-elle au téléphone depuis New York. « Sur la migration, l’Europe avance clairement dans la bonne direction. Je trouve aujourd’hui davantage de partenaires pour réaliser des choses. Le fait que nous ayons désormais un Premier ministre au Conseil européen aide beaucoup. Les députés préfèrent travailler avec des collègues qui ont l’appui du Conseil, puisque toute législation doit aussi y passer. »

L’anti-Merkel

Mais c’est surtout auprès des autres chefs d’État et de gouvernement que Bart De Wever trouve des esprits proches du sien, en particulier auprès du chancelier allemand Friedrich Merz, qu’il considère comme un allié idéologique et qu’il a rencontré fin août. « Merz est un dirigeant qui peut changer le cap de l’Europe », a déclaré Bart De Wever. « Nous devons être dans le peloton des pays partageant les mêmes intérêts afin de fixer l’agenda des cinq à dix prochaines années et de réaliser ces priorités. »

De Wever a réussi à se hisser dans ce peloton, alors qu’au début de l’année il n’était même pas invité par Emmanuel Macron aux réunions sur l’Ukraine et que la Belgique restait sur la touche. Mais aujourd’hui, alors que la France traverse une profonde crise, c’est surtout vers l’Allemagne que Bart De Wever se tourne.

Friedrich Merz, décrit par la presse internationale comme une sorte « d’anti-Merkel », imprime une nouvelle orientation à l’Allemagne – notamment sur la migration mais aussi vis-à-vis de l’Ukraine. Un moment clé dans la réflexion de Bart De Wever reste le fameux « Wir schaffen das » lancé par la chancelière Angela Merkel en 2015, au plus fort de la crise migratoire. La même année, à l’université de Gand, Bart De Wever qualifiait déjà cette formule « d’échec monumental ». Aujourd’hui, il rappelle que c’est l’Allemagne elle-même qui a fermé sa frontière avec l’Autriche face à l’afflux migratoire, et que lui, à l’époque, avait été cloué au pilori : « J’ai été vomi », dit-il. La N-VA avait alors isolé son parti en attaquant la Willkommenskultur de Merkel et en s’opposant au Pacte mondial de l’ONU sur les migrations en 2018 – opposition qui avait conduit à la chute du gouvernement Michel.

Comme les temps ont changé. « En politique, si vous attendez assez longtemps, vous finissez par devenir modéré », a ironisé Bart De Wever à Amsterdam.

Aujourd’hui, il se réjouit de voir Friedrich Merz rejoindre ce qu’il appelle « le club des pays critiques sur la migration ». Ce groupe de travail réunit plusieurs chefs de gouvernement – à l’initiative du Néerlandais Dick Schoof, de l’Italienne Giorgia Meloni et de la Danoise Mette Frederiksen – et vise à durcir la politique migratoire européenne. Le club s’élargit, et Bart De Wever parle d’un véritable Zeitenwende. En mai dernier, il a cosigné avec huit dirigeants européens une lettre ouverte demandant plus de moyens pour lutter contre l’immigration irrégulière et expulser les criminels, tout en appelant à un débat sur l’interprétation jugée trop large de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

Les critiques, prévisibles, sont venues de juristes et d’organisations de défense des droits humains. Mais Bart De Wever espère rapidement donner corps à cette initiative, a-t-il précisé jeudi. Pas question pour lui de modifier la CEDH elle-même : « Réécrire des traités est irréaliste : cela prendrait dix ans et provoquerait une opposition farouche. » En revanche, il souhaite y adjoindre un « protocole d’interprétation » qui préciserait comment lire la Convention. « J’ai préparé une feuille de route que j’espère faire approuver en octobre par notre club critique sur la migration. »

« Ce traité a été rédigé à l’époque des frontières fermées et de la guerre froide, pensé pour une ballerine qui voulait fuir derrière le rideau de fer. Il n’a jamais été conçu pour devenir une porte ouverte à la migration de masse », a encore affirmé le Premier ministre.

Par ailleurs, Bart De Wever plaide ouvertement, sur la scène internationale, pour le modèle australien de migration : contrôle strict des frontières extérieures et absence de droits civiques pour ceux qui entrent illégalement. « Ils ne doivent pas pouvoir faire de l’Europe leur foyer », a-t-il déclaré en allemand, la semaine dernière en Autriche lors du Forum européen d’Alpbach. « Nous devons reprendre le contrôle de notre continent. »

Ce modèle australien figure bien dans le programme de la N-VA, mais nullement dans l’accord de coalition fédéral. Bart De Wever se permet cette liberté de parole – sans être rappelé à l’ordre par ses partenaires de gouvernement. Il se sent soutenu non seulement par Friedrich Merz mais aussi par Giorgia Meloni, dont le parti Fratelli d’Italia siège dans le même groupe ECR au Parlement européen. Et même la socialiste Mette Frederiksen a signé la lettre ouverte.

« Euro-réaliste »

La N-VA n’a jamais été opposée à l’Europe. Bien au contraire : elle se définit non comme eurocritique mais comme « euro-réaliste ». L’Europe ne doit cependant pas devenir un super-État s’ingérant dans des matières mieux gérées au niveau national ou régional. L’idéal reste une Europe où les régions acquièrent plus d’autonomie.

Entre-temps, Bart De Wever avoue sans détour qu’il prend goût à ces cercles européens : « J’avoue que j’avais un peu sous-estimé l’importance de cela. Quand on est un demi-polyglotte et que l’on peut se déplacer en Europe, notre situation géographique nous permet de défendre nos intérêts et de glisser un peu de notre propre agenda dans celui des voisins. Je dois reconnaître que ça me convient assez bien », a-t-il confié lors de la rentrée du Voka.

« Je suis surpris du temps que j’y consacre », a-t-il admis. « Mais j’y prends du plaisir. » Et fait rare chez lui : « Je suis revenu de ma tournée européenne en demi-optimiste. »

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